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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 17:49

Bandundu-ville le 22 avril 2015

Nous avons fait le plein de carburant et de nourriture. Les passagers de cette expédition ont changé par rapport aux deux précédentes. Les chercheurs belges sont deux au lieu de trois. Tout l’équipage est présent sauf le matelot pygmée qui été remplacé. La cuisinière est accompagnée de sa fille de deux ans (sans ma permission) : c’est la surprise du chef.

Nous embarquons avec plusieurs semaines de retard sur notre planning. Les pannes de moteurs se sont succédé à croire qu’un chat noir se cache dans la cale du bateau. Je ne crois pas à l’existence d’enfants-sorciers autrement j’aurais attribué tous nos malheurs à la présence inattendue à bord de cette petite fille que j’ai surprise en train de parler toute seule. Tantôt elle se met à pleurer sans raisons apparentes, tantôt elle est prise d’une forme étrange d’euphorie délirante. Elle court en rigolant poursuivie par un compagnon de jeu invisible.

Toutes ses déconvenues sont derrière nous puisque nous avons largué les amarres. Nous naviguons à vive allure. Après 20 minutes nous quittons le Kwilu pour rejoindre la rivière Kasaï. Et je regarde ces eaux qui refusent de se mélanger. Deux rubans parallèles s’écoulent sur une longue distance : les eaux brunâtres du Kwilu et les eaux brun-rouge du Kasaï. Comme les eaux ne se mélangent pas, les jacinthes d’eau ne se mélangent pas non plus.

Pour se rendre à Ilébo, il nous faut remonter le Kasaï qui descend des hauts plateaux de l’Angola avec un courant violent de plus de 2,5 m/s. Une première épreuve nous attend d’amblée : franchir la passe rocheuse de Kadonlo. Je tremble en voyant des roches et des épaves englouties qui affleurent. La mort guette au coin d’un tourbillon ceux qui auront échoué. Nos moteurs neufs sortent toute leur puissance. Dans le chenal du Kasaï après ce passage tourmenté, je suis surpris par l’absence de village. Bientôt, le réseau téléphonique sera interrompu pour réapparaitre plus tard. Sur l’écran de mon smartphone, aucun appel en absence, ni sms. La cuisinière sort un bidon d’eau pour préparer des légumes. Les bidons seront gérés comme dans un désert car l’eau rougeâtre du Kasaï chargée de l’argile des plateaux érodés d’Angola est impropre à la consommation et s’incruste dans la peau après la douche.

Devant nous, des piroguiers s’affairent autour de ballons jaunes immobiles qui leur servent de repère. Des sacs blancs lourdement chargés sont remontés à la surface et classés sur les pirogues. Mon commandant m’explique que ce sont des chercheurs de diamant. Quelques instants plus tard, je vois des plongeurs sans combinaison descendre dans la rivière avec seulement un tuyau serré entre les dents. En cas de manque de pression c’est l’asphyxie, dans le cas contraire les poumons explosent. Ils gagnent dix dollars cash par plongée, comme ils risquent leur vie. Plus loin sur les berges, leurs acolytes tamisent le gravier arraché au lit de la rivière. Ils seront payés plus tard après la vente des colis.

Le Kasaï, cher à ma mère, est vraiment une rivière féminine, celle des pierres précieuses, celle de la beauté éternelle. A cause de cette scène inhumaine, je pense à ma dulcinée et me vois gratter le sol sans scaphandre pendant que d’autres tamisent. Mon problème, c’est qu’elle a toujours su que je la voulais à tout prix.

Rien ne me sera épargné. C’est le dernier chapitre de la trilogie. La dernière mission des chercheurs belges. L’épreuve ultime de mon initiation par le fleuve. Au terme de ce voyage, j’aurai parcouru au total plus de six mille km sur le bassin du fleuve Congo, en neuf semaines de mission. C’est la distance qui sépare la France de mon pays.

Déjà des mots s’imposent à mon esprit. D’abord « la grandeur ». Le bassin du fleuve Congo est immense : le plus important d’Afrique. De simples affluents chez nous seraient de grands fleuves ailleurs. Le débit du Kasaï est supérieur à celui du Nil. Il y a aussi le mot « unité ». Tous ces cours d’eau convergent vers le fleuve Congo et le regard de tous les Congolais est orienté vers Kinshasa, le port-terminus, la capitale « naturelle ». Une ville de dix millions d’habitants où tout est possible. N’oublions pas « la diversité ». La variété des couleurs des cours d’eau : grise, noire, brune, rouge. La couleur du ciel, de l’air et de l’atmosphère qui diffèrent selon l’affluent emprunté. Et surtout les odeurs. Le fleuve Congo traverse la forêt primaire en charriant des déchets organiques, donc il dégage une forte odeur ambrée et boisée. Le Kasaï chargé de particules inorganiques argileuses ne sent rien. Napoléon qui aimait les odeurs aurait été déçu par le Kasaï.

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commentaires

P
Tu décris si bien les différentes étapes de ton voyage, la beauté du fleuve Congo et de ses affluents titille ma curiosité. Un jour, peut être, je serai parmi tes passagers( à ton insu bien entendu lol ). C'est trop chou la petite poupée sur le bateau; l'innocence et l'insouciance de l'enfance, c'est craquant. Par contre, tu m'excuseras pour les propos qui vont suivre, je ne vois pas d'un bon oeil la mission des chercheurs Belges. La RDC doit créer une base de données pour protéger sa biodiversité de la Biopiraterie comme le font l'Inde avec Vandana Shiva, le Pérou, la Bolivie, le Venezuela, le Mexique...elle doit également arrêter de vendre ses forêts aux personnes ou organismes scandant des slogans de marketing du genre " Réchauffement climatique, préservation de la biodiversité, protection du patrimoine naturel..." qui pourraient être des futurs actionnaires des Biobanques( une autre supercherie mondiale ). Pour ce qui concerne ta dulcinée, je compatis Cher ami; s'il s'agit de ta "Pénélope kinoise"; j'espère de tout coeur qu'un jour vous arriverez à élaborer une convention amoureuse lol<br /> <br /> http://www.dailymotion.com/video/x2isbr3_v-bozeman-what-is-love_music
Répondre
P
Tu décris si bien les différentes étapes de ton voyage, la beauté du fleuve Congo et de ses affluents titille ma curiosité. Un jour, peut être, je serai parmi tes passagers( à ton insu bien entendu lol ). C'est trop chou la petite poupée sur le bateau; l'innocence et l'insouciance de l'enfance, c'est craquant. Par contre, tu m'excuseras pour les propos qui vont suivre, je ne vois pas d'un bon oeil la mission des chercheurs Belges. La RDC doit créer une base de données pour protéger sa biodiversité de la Biopiraterie comme le font l'Inde avec Vandana Shiva, le Pérou, la Bolivie, le Venezuela, le Mexique...elle doit également arrêter de vendre ses forêts aux personnes ou organismes scandant des slogans de marketing du genre " Réchauffement climatique, préservation de la biodiversité, protection du patrimoine naturel..." qui pourraient être des futurs actionnaires des Biobanques( une autre supercherie mondiale ). Pour ce qui concerne ta dulcinée, je compatis Cher ami; s'il s'agit de ta "Pénélope kinoise"; j'espère de tout coeur qu'un jour vous arriverez à élaborer une convention amoureuse lol<br /> <br /> http://www.dailymotion.com/video/x2isbr3_v-bozeman-what-is-love_music
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A
Bozeman : très belle voix. Merci pour cette belle chanson, comme elle n'articule pas je n'ai pas tout compris. <br /> <br /> Pivoine, je vois que tu es capable d'élaborer une convention amoureuse, félicitations. Tu me fais penser à une syndicaliste. <br /> <br /> Tu continues à te cacher derrière ton pseudo ??? Je t'invite sur mon bateau. Comment fera-tu pour voyager à mon insu ???

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