24 août 2007
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19:01
Incendie dans mon immeuble à Kinshasa
Cela s’est passé le dimanche 19 août. Je rentrais d’une randonnée sur le fleuve Congo où je venais de tester ma nouvelle canne à pêche. La pêche fut infructueuse probablement à cause des appâts qu’on m’a demandés d’utiliser : des boulettes de manioc enrobées d’huile de palm. Au premier lancement, les appâts se sont détachés des hameçons. A la deuxième mise à l’eau, les appâts surnageaient à la surface. On a alors lesté la canne à pêche en ajoutant un caillou à côté des boulettes de manioc. C’était la pire des solutions. Toute l’extrémité de la canne à pêche a été engloutie, même le flotteur. Vous aurez compris qu’à cette allure-là, il était impossible de pêcher quoi que ce soit, pas même un poisson suicidaire.
Je suis donc rentré bredouille chez moi dans mon appartement du 5ème étage sur le boulevard du 30 juin en plein centre ville de Kinshasa. Comme repas je me suis contenté d’un plat de
légume avec un poisson de la mer du Nord qui traînait dans mon congélateur.
Au moment où je commençais à manger, on m’a demandé de regarder par la fenêtre. J’ai vu une épaisse fumée noirâtre qui masquait la vue imprenable que j’ai d’habitude sur la capitale. Ma première
réaction fut celle qu’aurait sans doute eu Néron. Je me suis dit : « Kinshasa brûle …à cause des chrétiens ». Ensuite j’ai cru que c’était la fin du monde, ce jour tant
redouté. Imaginez une fumée couvrant la ville alors que le soleil est radieux. Ils nous restaient que quelques minutes à vivre. Je pouvais donc poser des actes sans craindre les éventuelles
fâcheuses conséquences. A ce moment-là j’ai eu une envie irrésistible. Je vous rassure tout de suite, je ne me suis pas rué sur la femme de ménage. J’ai tout simplement eu envie de
lécher mon assiette.
Je suis sorti sur le balcon et j’ai compris que l’immeuble était en feu. Je me suis précipité au bas de l’immeuble en empruntant les escaliers de secours.
Nous étions tous en bas sur le boulevard, en train d’attendre un éventuel camion incendie. Entre-temps nous assistions impuissants à la consumation de l’appartement n°1 du premier étage.
Soudain j’ai entendu hurler les sirènes d'un camion citerne qui se mêlaient aux pleurs des habitants sinistrés. Après quelques instants j’ai eu un choc temporel et non émotionnel. Je voyais
venir à tout allure un camion incendie des années trente -cadeau de la Coopération belge. Comprenez-moi quand je dis « à tout allure » je veux dire à du 20 km/h, ce qui
est une belle performance pour un camion de cet âge-là.
Les pompiers se sont bien battus et l’incendie fut maîtrisé sans faire de victimes.
Ce malheur fut pour moi l'occasion d'assister à des scènes surréalistes notamment des marchands ambulants, insensibles au drame, qui profitaient de l’attroupement pour vendre des beignets.
Le lendemain matin la concierge de l’immeuble m’a dit que l’incendie n’était pas d’origine accidentelle, ni criminelle, mais tout simplement d’origine spirituelle. « Ah bon ! Et
pourquoi ? ». Parce que tout a brûlé sauf la cuisine et la salle de bain.
"L’inspecteur Colombo" local arrivera sans doute aux mêmes conclusions. Et l’enquête s’arrêtera là. C’est beau l’Afrique. N’est-ce pas ?